Marie-Christine Autin Graz, Portraits d’Arbres
“(…) voir exige du temps comme avoir un ami exige du temps.” Georgia O’Keefe
A l’occasion de l’exposition Auprès de mon arbre avec le sculpteur Emanuele de Reggi, à la galerie Artium de Genève, Marie-Christine Autin Graz dévoile une dizaine de portraits d’arbres à l’acrylique sur papier. Cette série vient après celles de ses natures mortes à l’huile sur toile ou encore de ses dessins animaliers.
Le portrait est généralement considéré comme un genre réservé aux humains Georgia O’Keefe (1887-1986) peintre américaine, faisait pourtant déjà des portraits de fleurs. La fleur devenait le sujet tout entier de sa peinture contrairement au genre du paysage où différents éléments s’articulent en champ et contrechamp. Chez Marie-Christine Autin Graz, autodidacte raffinée dans l’art du jardin, la précision avec laquelle ses arbres sont peints rappelle les représentations botaniques alors que son échelle découle une observation aigue de la nature plutôt photographique que scientifique. Le processus de l’artiste transparaît: les sujets proviennent d’images glanés par ses proches. Tout comme O’Keefe ou bien avant elle Ingres (1780-1867), certains peintres avaient une relation plus ou moins directe avec la photographie. Dans cette
...
mehr anzeigen
Marie-Christine Autin Graz, Portraits d’Arbres
“(…) voir exige du temps comme avoir un ami exige du temps.” Georgia O’Keefe
A l’occasion de l’exposition Auprès de mon arbre avec le sculpteur Emanuele de Reggi, à la galerie Artium de Genève, Marie-Christine Autin Graz dévoile une dizaine de portraits d’arbres à l’acrylique sur papier. Cette série vient après celles de ses natures mortes à l’huile sur toile ou encore de ses dessins animaliers.
Le portrait est généralement considéré comme un genre réservé aux humains Georgia O’Keefe (1887-1986) peintre américaine, faisait pourtant déjà des portraits de fleurs. La fleur devenait le sujet tout entier de sa peinture contrairement au genre du paysage où différents éléments s’articulent en champ et contrechamp. Chez Marie-Christine Autin Graz, autodidacte raffinée dans l’art du jardin, la précision avec laquelle ses arbres sont peints rappelle les représentations botaniques alors que son échelle découle une observation aigue de la nature plutôt photographique que scientifique. Le processus de l’artiste transparaît: les sujets proviennent d’images glanés par ses proches. Tout comme O’Keefe ou bien avant elle Ingres (1780-1867), certains peintres avaient une relation plus ou moins directe avec la photographie. Dans cette exposition, on peut reconnaître certains de ces arbres dont l’habitat naturel figure dans les titres des œuvres: Jardin Botanique de Genève, Jardins du Luxembourg, île de Mainau, Lac de Constance, ou île d’Islay en Ecosse… Cette collection prend donc ses sources autant dans l’amitié et l’affect que dans une fascination pour la complexité visuelle. Pour le poète et artiste anglais William Blake (1757-1827) l’arbre saisissait un état d’âme et une relation à l’autre. Plus récemment, le peintre également anglais David Hockney se prêtait à cet exercice de la série de manière plus paysagère à la Fondation Louis Vuitton, enchanté par les arbres normands. Sur les terrains plats de la Normandie, terre natale de Marie-Christine Autin Graz, ce sont les arbres qui en font les sommets les plus saillants. Souvent fruitiers, ils symbolisent la générosité de la terre qui les entoure. Éléments stables dans un monde en mouvement, ils permettent un ancrage à l’artiste, devenue internationale, une continuité, comme les plus belles amitiés.
Cette mise en portrait de l’arbre hors paysage est aussi expliquée par l’écrivain satiriste Pierre Daninos que l’artiste aime citer: “Il y a trois temps qui déplaisent souverainement aux jardiniers: le temps sec, le temps pluvieux, le temps en général” peut-être est-ce pour cela que les peintures d'arbres de Marie-Christine Autin Graz sont suspendus hors des aléas du climat, pour se concentrer sur la complexité des branches qui s’étendent comme une calligraphie sur le papier: une anatomie en rhizome, un système nerveux, des poumons qui alimentent notre planète. Racine ou branche? L’arbre pourrait s’inverser. Et au creux de son tronc d’autres secrets se dévoilent: un œil, une bouche, un pli pubien - l’arbre chuchote ses secrets à l’artiste et entre eux l’énergie vitale circule et devient complice de nos propres projections.
Les couleurs annoncent le passage des saisons. L’arbre devient parfois aussi habitat rappelant les fables de la Fontaine avec le vivant comme personnages. Des oiseaux y sont perchés, tragi-comiques, peut-être l’entourage de l’artiste qui ose nous mettre en scène, nous ses spectateurs et elle-même en tant qu'observatrice. Ces compositions s’éloignent du réalisme naturaliste pour revenir à celui des contes ou paysages japonais vibrants de vie.
Comme le vin, l’arbre devient plus intéressant avec le temps: nœuds, cicatrices, textures apparaissent. Ces dualités du vieux et du neuf, du doux et du rugueux capturés dans l’expérience du wabi sabi japonais invitent ainsi nos sens au pluriel à participer. Exemples de courage et de résilience, ces arbres deviennent source d’enchantement. SB
Marie-Christine Autin Graz est née à Rouen en Normandie. Elle vit et travaille à Genève et Nernier. Diplômée des Beaux-arts de Paris, elle a exposé au salon de Mai, le salon d’Automne, la galerie Mouffe, les aéroports d’Orly, Paris; les galeries de l’Hôtel du Rhône, la galerie Kashya Hildebrand, Chez Bucherer, à Genève ainsi qu’au Danemark et en Autriche. Elle fait partie de nombreuses collections privées en Suisse et à l’étranger dont les fresques continuent à faire l’objet de commandes privées. Elle a reçu le prix de Rome en 1968. Elle est l’auteure d’ouvrages sur l’art dont Le Bijou dans la peinture publié chez Skira, Thames et Hudson et Abeville ou encore l’Enfant dans la peinture aux éditions Skira le Seuil, Thames et Hudson et Rizzoli.
weniger anzeigen