Il y aurait des répliques taillées au scalpel, que l’on aimerait apprendre par cœur pour en user lorsque tout nous échappe. Il y aurait des situations ubuesques soulignant les petits aménagements avec l’éthique dont nous sommes quotidiennement capables, que nous voudrions revoir mille fois pour ne plus tomber dans le piège. Mais il y a, surtout, cette écriture et ce rythme, le talent de Coline Serreau de ne rien épargner de nos hypocrisies, contradictions, ou de nos maladresses. Le magistral film La Crise – adapté pour le théâtre par son fils Samuel Tasinaje – est l’histoire de Victor, conseiller juridique perdant le même jour sa femme et son travail, et qui va découvrir autour de lui autant la débâcle que la possibilité de comprendre (les erreurs de) sa vie. Parce qu’il veut reconquérir son amour, Victor bouscule ses certitudes et s’ouvre au monde. Pure merveille d’humour, de sensibilité et de vérité, il fallait tout le savoir-défaire du metteur en scène Jean Liermier, son écoute de la langue et l’étoffe de ses interprètes, pour mettre à l’honneur sur scène ce conte initiatique criant d’actualité. Les dialogues roulent par-dessus la bêtise, qu’ils dénudent, et offrent au théâtre la force tragi-comique d’une poésie.